Le marathon de Saint-Louis des Jeux Olympiques de 1904 fait partie des épreuves les plus controversées. Et pour cause, entre triche, poison et expérience humaine cachée, ces Jeux sont sûrement les plus atypiques et scandaleux de toute l’histoire de l’Olympisme.

Lean Tau et Jan Mashiani avant la départ du marathon de 1904 / Crédit : Wikipédia
« Ces Jeux sont une mascarade scandaleuse », avait déclaré Pierre de Coubertin. Pour le pays organisateur, recevoir les Jeux Olympiques représente une occasion de s’imposer sur la scène internationale. Ces derniers font partie du summum de la réussite sportive, l’attribution d’une médaille d’or étant considérée comme l’équivalent international de l’obtention d’un prix Nobel. Depuis la rénovation des Jeux en 1894, ceux de Saint-Louis aux États-Unis sont les troisièmes de l’histoire des Jeux modernes. Cependant, l’ensemble de cet événement olympique est essentiellement un spectacle secondaire voué à l’échec dès le départ. A l’origine, ces Jeux doivent se tenir à Chicago. Cependant l’exposition universelle a lieu en cette même période. Les Jeux de 1904 sont dirigés par James Sullivan, un homme connu pour son raciste extrême et son incompétence. Seulement 12 nations se sont présentées avec 62 des 651 athlètes prévus au marathon. Néanmoins le but premier de James Sullivan n’était pas de montrer au monde la puissance Américaine. Son seul objectif : étudier la déshydratation intentionnelle de l’homme.
Des conditions complètement folles
Sur la ligne de départ, 32 coureurs. Certains ont de l’expérience, d’autres n’ont jamais participé à un marathon de leur vie. Le favori de la course est John Lorda, vainqueur du marathon de Boston de l’année précédente. Il est l’un des seuls à avoir de l’expérience dans ce domaine. Dès le départ, il commence à vomir à cause de la poussière qu’il inhalait puis abandonne. Felix Carvajal, un cubain, est facteur et rêve de participer à des Jeux. « Souffrant de la faim, et sans entraîneur pour l’aider, il a cueilli une pomme verte sur un arbre le long du parcours », informe Thomas Carter, historien du sport. Il fait alors une sieste et finit tout de même 4ème de la course. Lean Tau et Jan Mashiani, deux africains, étaient venus pour visiter l’exposition universelle mais se sont malencontreusement retrouvés à participer aux Jeux. Pieds nus, ils sont pourchassés par une meute de chiens au milieu du parcours et terminent 9ème et 12ème. Leur participation est historique puisqu’il s’agit des deux premiers africains à concourir aux Jeux Olympiques.

Thomas Hicks se prépare à franchir la ligne d’arrivée / Crédit : Tech Tribune France
Fred Lorz, fatigué, monte dans une voiture pendant plus de 17 km et termine la course 1er. Il sera disqualifié et banni des Jeux à vie par la suite. Enfin, Thomas Hicks est aidé par ses entraineurs grâce à un mélange de blanc d’oeuf et de mort-aux-rats, considéré à l’époque comme un stimulant. « Hicks fonctionnait mécaniquement, comme une machine bien huilée. Ses yeux étaient ternes, sans éclat ; la couleur cendrée de son visage et de sa peau s’était accentuée ; ses bras semblaient être des poids bien attachés ; il pouvait à peine lever les jambes, tandis que ses genoux étaient presque raide ; privé d’eau, sauf pour être épongé dans de l’eau chaude chauffée par le radiateur d’une voiture, il a perdu deux kilos », déclare Charles Lucas, un officiel de la course. A la fin de la compétition, Hicks déclare : « Jamais de ma vie je n’ai couru un parcours aussi éprouvant. Les terribles collines déchirent tout simplement un homme en morceaux ». Il sera finalement disqualifié pour dopage peu de temps après.
Une expérience humaine cachée

Le marathon de Saint-Louis est un évènement complètement fou orchestré par James Sullivan. Ce dernier désire expérimenter la déshydratation chez l’homme. La course démarre à 15h de l’après-midi, sous 32 degrés, dans l’humidité du Missouri. Habituellement, le départ se fait le matin au moment le plus frais de la journée. Aussi, la course ne comprend qu’une station d’eau pour 40km de parcours, habituellement il y en a 12. James Sullivan a également prévu de tracer le trajet sur des routes pavées couvertes de terre et de poussière. Ces dernières n’étant pas barrées pour la course, les athlètes doivent esquiver bon nombre de voitures, de trains ou encore de facteurs. Une expérience qui a presque coûté la vie des participants dans une épreuve désignée comme la plus difficile qu’un humain n’ait jamais faite.