Mustapha Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne

Mustapha Kemal Atatürk a été président de la Turquie de 1923 à 1938. Père fondateur de ce pays, il créa un Etat moderne et laïque en adoptant différentes réformes sociales tout en aidant le pays à renaître des cendres de l’empire ottoman qui disparaît après la Première Guerre mondiale. 


Mustapha Kemal enseignant à une élève l’alphabet latin / Crédit : Arte 


« Dans sa famille, il a adopté 8 filles et ne voulait pas adopter de garçons car il considérait qu’ils seraient soit dégénérés soit adoptés comme des héritiers. Il leur a donné une éducation moderne et patriote et deux d’entre elles sont devenues pilotes de guerre et historiennes. Il voulait que le peuple ait une vision moderne de sa personne », s’exclame Alexandre Jevakhoff, historien et auteur du livre Kemal Ataturk. L’Empire fondé par Osman 1er à la fin du XIIIe siècle ne paraît plus aussi redoutable qu’avant. Au début des années 1900, la sublime porte a changé son nom pour l’homme malade de l’Europe et agonise peu à peu suite à de graves défaites militaires. Le 30 octobre 1918, tout bascule. Istanbul se retrouve dans le camp des vaincus à l’issue de la Première Guerre mondiale. Par la suite, l’armistice de Moudros est signé avec les Anglais et conduit à la dislocation de l’Empire Ottoman. Les vainqueurs se partagent alors le territoire : l’Irak pour les Anglais, la Syrie pour les Français et le sud-ouest de l’Anatolie pour l’Italie. C’est là qu’apparaît un homme providentiel qui remettra la Turquie sur pied : Mustapha Kemal. 

Un chef de guerre reconnu 


Mustapha Kemal en habit de militaire / Crédit : Wikipédia

Mustapha Kemal est né en 1881 à Thessalonique. Dès l’enfance, le jeune homme veut devenir soldat. En 1902, il décide alors d’entrer à l’Académie de guerre d’Istanbul et finit ses études avec le grade de capitaine. Au fil des années, Kemal prend conscience du caractère tyrannique du régime du Sultan de l’époque, Mehmed VI, et se tourne vers des idées modernistes et vers la lecture des philosophes des Lumières. A partir de 1911, il se bat en Tripolitaine ou encore dans les Balkans. Très tôt, son amour pour la victoire se fait ressentir. La réussite de ces batailles deviennent des moments de fierté pour le peuple Turcs. Mustapha Kemal, surnommé Gazi le victorieux, incarne peu à peu le seul espoir possible pour le pays. En 1920, Atatürk organise des élections dans le but de former la grande assemblée nationale d’Ankara. Il est par la suite élu chef du gouvernement à l’aube d’une guerre entre la Turquie et la Grèce. Après une victoire, Kemal abolit le sultanat. Et c’est en octobre 1923 que la République de Turquie est proclamée et que le pouvoir appartient désormais au père de la Turquie. Dès son arrivée au pouvoir, Mustapha lance une politique de laïcisation très forte. Son objectif est d’instaurer une république indépendante et laïque. Mais la tâche est risquée puisque cela signifie d’enlever au peuple turc la religion musulmane. Par la suite, il décide de supprimer le califat et de désigner Ankara comme capitale du pays. Le moderniste du moyen-orient décide alors d’enchainer les réformes sociales.

Des réformes sous le modèle européen

L’Islam est séparé du domaine scolaire et judiciaire, la religion et l’Etat sont alors deux sujets bien distinct. Il continue sa politique d’occidentalisation en imposant le modèle européen jusque dans les tenues vestimentaires. En 1925, le port du caftan est interdit. Le chapeau porté par les hommes occidentaux devient soudainement le vêtement des infidèles. Cette même année, un code civil basé sur celui de la France est adopté. « La IIIe république française a énormément influencé la Turquie a tel point que beaucoup de textes ont été quasiment copiés, comme le code civil », ajoute Alexandre Jevakhoff. En 1926, le calendrier occidentale est adopté. Kemal poursuit sa politique en se tournant vers la langue. En 1928, l’alphabet arabe est remplacé par l’alphabet latin. La langue Turque est purifiée et toutes traces de ses racines arabes disparaissent. Cette réforme est un vrai succès mais pas sans inconvénients. En une génération, les Turcs ne comprennent plus leurs anciens livres en arabe. Mustapha Kemal n’hésite pas à devenir le premier instituteur de la nation et enseigne à son peuple cette nouvelle langue.


Mustapha Kemal devant le drapeau Turque / Crédit : Amazon

A sa mort, 80% des Turcs sauront lire et écrire. Klaus Kreiser, turcologue, confie que cette réforme marque une importante transition pour le pays : « Pour moi la réforme la plus importante est celle de l’écriture. L’abandon de l’alphabet arabe avait une double fonction. D’une part elle servait à couper les liens avec le monde musulman ce que les adversaire d’Ataturk jugeaient inacceptable, et d’autre part elle a grandement facilité l’alphabétisation de la population ». Les réformes les plus abouties restent celles pour l’égalité des sexes. Les femmes Turcs deviennent un vrai modèle d’émancipation dans le monde musulman. Atatürk abolie la polygamie, le droit au divorce et place la femme au rang de femme active et indépendante à l’image de son pays. En 1934, elles obtiennent le droit de vote et déposent leur bulletin dans l’urne pour la première fois. Selon Klaus Kreiser, de part tous ces changements, le père de la Turquie est alors « vu comme l’homme qui fait avancer à marche forcée son pays vers ce  qu’il considérait comme la modernité mais aussi comme un gaulois avec de grandes visions extrêmement fortes ». Alexandre Jevakhoff, explique les liens qu’avait Kemal avec la France : « C’est un personnage qui a eu énormément de contacts avec la France. Il a fait partie de cette génération de turcs qui parlaient et écrivaient le français et il est venu à plusieurs reprises en France. Il avait de nombreux contacts avec des hommes politiques français notamment avec Henri Franklin Bouillon », informe-t-il. Aujourd’hui, la Turquie est l’un des rares pays à être à la fois une république laïque avec une gouvernement islamo-conservateur d’Erdogan. Pourtant le pays est à l’origine un état autoritaire contrôlé par l’armée qui se revendique comme un héritage Kemaliste et qui, depuis les années 80, organise plusieurs renversements de régimes. 

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