Pour la plupart des jeunes élèves, ChatGPT est devenu la solution aux devoirs compliqués ou même ennuyeux. Une aide qui inquiète certains enseignants quant à l’avenir de l’éducation et de notre mémoire. Mais l’IA pourrait-elle tuer notre éducation et notre mémoire ? Et comment ?
« Lorsqu’il s’agit de technologies qui évitent la mémorisation et la recherche manuelle d’informations, nous risquons de négliger une tradition autrefois considérée comme essentielle à la culture : l’art de la mémoire », explique Esmé Partridge, chercheuse et consultante formée à la philosophie de la religion au Clare College de Cambridge. Depuis plus d’un an, les intelligences artificielles de type ChatGPT ont envahi nos espaces de travail. À partir de presque rien, cet outil est capable de créer un article, de prendre des notes de votre cours ou encore de retranscrire le contenu d’un appel Zoom. Ces méthodes ne semblent pas trop mauvaises à première vue. Pourtant, les répercussions à long terme pourraient être bien plus importantes qu’on ne le pensait tant sur l’éducation que sur notre façon de penser et de mémoriser.
L’impact sur l’éducation
L’intelligence artificielle commence déjà à avoir un impact sur l’éducation. C’est un outil qui peut être utilisé pour effectuer de nombreuses tâches difficiles pour les enseignants, comme la correction d’un devoir qui prend beaucoup de temps. Néanmoins, l’IA reste un outil optionnel et non essentiel à une éducation fiable et viable. Au-delà du fait que les enseignants sont chargés d’enseigner à leurs élèves des connaissances et des compétences, ils sont avant tout responsables de leur apporter un soutien bienveillant, présent, empathique et sans restriction. Ce que l’IA ne peut pas faire.
Pour continuer, l’IA aurait cependant un bon impact sur les élèves, car il est désormais possible d’automatiser certaines activités, comme la correction des devoirs. Cela permet un accompagnement plus personnalisé, plus approfondi et plus personnel. L’outil est alors capable de proposer des exercices et des leçons adaptés à chaque élève. De plus, l’IA pourra avertir l’enseignant lorsqu’un élève se désintéresse d’un cours.
Cependant, la plupart des enseignants craignent que l’utilisation de l’IA dans l’éducation n’entraîne une baisse du niveau scolaire. Oui, certains comportements et certaines méthodes de travail devront peut-être changer, et ils sont d’ailleurs déjà en train de changer. L’IA est devenue une aide essentielle à la recherche d’informations et à la rédaction d’articles. Cependant, elle n’aide pas les étudiants à aller au-delà de leurs capacités et ne les encourage pas à approfondir leurs connaissances. Ils cessent de s’interroger, d’analyser et de développer leurs idées. L’utilisation excessive du ChatGPT, par exemple, met l’accent sur la recherche d’informations plutôt que sur la compréhension du sujet. En conclusion, les élèves ne stimulent plus leurs capacités et produisent des travaux uniformes sans diversité. Mais malgré ce que l’on peut penser, les enseignants surestiment l’utilisation de l’IA par les élèves. 55% des étudiants français déclarent utiliser occasionnellement des outils d’IA pour les aider à appréhender certaines matières, selon une enquête menée par l’institut de sondage Le Sphinx. Par ailleurs, 77 % d’entre eux déclarent utiliser Google comme principale source d’information.
Bien sûr, Internet est synonyme de plagiat et de violation des droits d’auteur. Aujourd’hui, de nombreux professeurs dans le monde affirment utiliser des outils d’IA pour prévenir ce type de fraude. Ils craignent l’IA. Toujours selon l’étude menée par Le Sphinx, 79 % des étudiants et 93 % des enseignants seraient favorables à une réglementation de l’utilisation de l’intelligence artificielle en France.
L’impact sur les connaissances et la mémoire

Esmé Partridge @Philitt
Selon Esmé Partridge, le développement de l’intelligence est associé au développement de la mémoire. Elle insiste sur le fait que l’intelligence artificielle sera la gardienne de toutes nos facultés, et donc de la connaissance. En clair, l’homme donnerait à cet outil tout ce qui lui reste d’humain : sa mémoire. Mais l’IA n’est pas la première innovation à « affaiblir » la mémoire. Platon l’avait déjà évoqué dans le Phèdre : « Si les hommes apprennent à écrire, cela produira l’oubli dans leur âme : ils cesseront d’exercer leur mémoire parce que, se fiant à ce qui est écrit, ils ne chercheront plus à tirer leurs souvenirs du dedans, du fond d’eux-mêmes, mais du dehors, par des marques extérieures […] ; ce que vous fournirez à vos disciples, ce n’est pas la vraie sagesse, ce n’est que son apparence ». Il est clair que pour Platon, toutes les techniques qui visent à penser à notre place sont un obstacle à notre connaissance et à notre mémoire. Et l’IA est l’une de ces techniques. Elle élimine la nécessité de connaître un sujet pour écrire un article ou un cours. Pour Esmé, la connaissance doit commencer par des tâches secondaires comme la documentation : « Le fait que l’intelligence artificielle minore l’importance de cette faculté fondamentale devrait nous inquiéter, car elle ne fera qu’implanter l’oubli dans nos âmes et aggraver notre état de déchéance ».